Samedi 17 avril 2021

Note de lecture du livre « Ci-gît l´amer, guérir du ressentiment » de Cynthia Fleury

le ressentiment est cette astuce psychique consistant à considérer que c´est toujours la faute des autres et jamais la sienne. On invite chacun à prendre sur soi, mais dès que l´occasion se présente d´assumer sa responsabilité, on se considère comme irréprochable.

Tel est le défi d´une maturité assumée : assez d´humilité pour porter sa charge ; assez de lucidité pour ne pas sombrer dans le ressentiment dès lors que d´autres n´assument pas la leur.

Le ressentiment est un poison d´autant plus létal qu´il se nourrit du temps pour grossir et gagner en profondeur le cœur des hommes.

Le divertissement reste une manière médiocre de résister aux attaques du ressentiment, qui présente une forme d´efficacité immédiate mais peu durable.

Admirer c´est provoquer l´éveil en soi, ouvrir la capacité cognitive, permettre la mobilité de l´esprit et du corps, permettre donc l´agir

le ressentiment, c´est ce qui ne sait plus faire expérience, c´est vivre et que tout passe, seule restant l´amertume, seul demeurant l´insatisfaction ; la haine des autres assèche l´âme et rend aride tout territoire, et encore plus notre capacité médiatrice.

Dans le ressentiment, il y a toujours un débordement, une pulsion non canalisée, une erreur du jugement, le fait de prendre le faux pour le vrai, la focalisation sur les objets, sachant que toute focalisation sur un objet aliène.

Nous sommes tous dépendants, interdépendants, et la domination se définit comme le fait de rendre invisible cette dépendance, et d´inscrire l´autre dans un régime de non-reconnaissance.

La reconnaissance est en ce sens un principe qui permet aux individus de résister aux processus de réification opérés dans le monde capitalistique;

L´antidote au ressentiment, quel est-il ? (…) Quand j´ai découvert l´Ouvert rilkéen et la manière possible de le tisser avec une écriture personnelle, cela a été un « possible » pour résister à l´amertume, ou plus simplement à la mélancolie déjà bien en place ; Malharmé, bien sûr, tout autant, ses fragments sur Anatole, ce souffle quasi coupé alors qu´il est le maître des sons et d´une syntaxe vertigineuse dans ses vers…

Le journal, l’écriture comme un andidote au ressentiment ?

Fanon combat vaillamment le ressentiment parce qu´il sait accueillir la plainte sans s´y résoudre. Il n´en fera pas une double peine, il soignera, optera pour ce soin capacitaire qui produit la résilience après la blessure, pour faire jaillir « un sujet humain inédit », tout droit sorti du « mortier du sang et de la colère ».

La lutte contre le ressentiment n´est pas une partie de plaisir, elle fait mal alors même qu´on lutte contre un autre mal. Lutter contre le mal ne protège pas d’emblée. Le temps sera nécessaire pour ne plus avoir le sentiment de trahir sa propre cause en s´émancipant de sa propre souffrance. Le chemin de l´émancipation passe aussi par là : reconnaître certes sa souffrance, mais surtout s´en séparer, la laisser derrière soi, non pour l´oublier sans produire d´efficace, mais pour construire, car il faut apprendre à ne plus répéter, à ne pas s´installer comme chez soi dans la répétition de la douleur ; il faut renoncer ainsi à ce qui a été en partie soi, mais en partie seulement.

Fanon n’aura de cesse de traquer les aliénation sociales et psychiques du colonialisme, produisant la folie chez le sujet réifie, le transformant en otage de sa propre souffrance : « en situation coloniale, le travail du racisme vise, en premier lieu, à abolir toute séparation entre le moi intérieur et le regard extérieur. Il s´agit d´anesthésier les sens et de transformer le corps du colonisé en chose dont la raideur rappelle celle du cadavre ». Ce travail conjoint, historiographique et de soin, philosophique et psychanalytique, qui amène un peuple et un individu à forger leurs propres sillage dans le monde, à s´extraire de la tutelle et de la chosification, de manière articulée, Fanon l’appelle « déclosion » du monde, comme s´il faisait écho à son contraire, la forclusion : ce qui enferme le sujet et qui le transforme par la suite en parfait geôlier de lui-même. La déclosion est, à l´inverse, la sortie de ce magma émotionnel dramatique qui produit des identités captives de leurs « culture ».

Le ressentiment est une colonisation de l´être.

La violence ne laisse aucun choix, elle ne produit que du choix forcé om le sujet finit toujours par être le prisonnier de celle-ci, asservi de nouveau.

L´avilissement est un mal bien décrit par le grand représentatn de la théorie de la réification, Axel Honneth, lorsqu´il dessine les contours de la société néolibérale actuelle qui produit du mépris de façon généralisée. L´avilissement est le mal qui pourrit les âmes ressentimistes ; elles ne sont plus aptes à délivrer une éthique de la reconnaissance, arguant qu´elles ont subi une absence de reconnaissance, ce qui est d´ailleurs vrai.

À quoi sert la publication d´un journal à l´hôpital ? À faire qu´il n´y ait pas de repli sur soi, apathie, victimisation et exclusion des patients. « Sur un navire », écrit Fanon, avec une sensibilité presque naïve, « il est banal de dire qu´on est entre ciel et eau ; qu´on est coupé du monde ; qu´on est seul. Justement, le journal lutte contre le laisser-aller possible, contre cette solitude. (…) tous les jours, cette feuille met la vie sur le bateau. »

Tous les patients et le corps soignant sont invités à tenir un journal, comme à participer à l’écriture du journal commun.

Fanon, souvent, s´émeut du peu d´entrain mis à faire cela, alors qu´il sait que cette obligation est vertueuse, thérapeutique, capacitaire, qu´elle remet l´ensemble des individus sur le chemin du «faire »et d´un vécu plus digne.

Il s´agit de comprendre que nos institutions - de manière large : de l´école à l´entreprise, en passant par les administrations, les hôpitaux, les universités, etc. - doivent produire assez de soin pour ne pas renforcer les vulnérabilités inhérentes à la con,dition humaine, à savoir ses conflits pulsionnels, le sentiment mélancolique de la finitude, et prendre garde à ne pas produire de la réification qui, après s´être retournée contre les individus, les avoir rendus malade, se retournera contre la démocratie elle-même, en développant la traduction politique de ces troubles psychiques et notamment dudit ressentiment.

La technique concurrence de façon toujours plus oppressive, et potentiellement liberticide, les humanités dans leur compréhension de al personne humaine.

Cette réification de la personne par les données numériques est le contraire d´un processus analytique respectueux de la dignité et de la liberté de la personne humaine.


Ma première AG Terre de lien Bretagne ; Liamm an Douar. En vidéoconférence c’est bien triste.

J’ai apprécié l’attention porté aux logiciels libres, affichée et assumée (bien que là, c’est Zoom que nous avons utilisé, il y a eu explication justement, c’était chouette). Plus de 50 personnes durant la présentation, c’est en plein essor. J’aime l’énergie qu’il y a. J’ai bien envie de m’investir.